ADIOS MISTER DUSTY HILL!

LE ROI DE LA BASSE DU TEXAS N’EST PLUS ! VIVE LE ROI !

Le 28 juillet 2021 restera une date noire dans l’histoire du Rock. Celle du décès de Dusty Hill, le légendaire bassiste de ZZ Top. Le site officiel du groupe avait d’abord annoncé que Dusty était mort dans son sommeil. Quelques jours plus tard, sa veuve a clarifié les choses. Dusty l’a réveillée en pleine nuit et ils ont discuté tous les deux. Au milieu de la conversation, Dusty s’est arrêté de parler et il est mort soudainement. Au moins, les deux époux auront partagé le dernier moment du célèbre barbu sur terre. On souhaiterait que ce soit une très mauvaise blague, la forme ultime de l’humour texan. Mais on ne peut pas échapper à la triste vérité : Dusty Hill a tiré sa révérence à l’âge de soixante douze ans. Il n’était pourtant pas si vieux et il aurait pu en profiter encore un peu.

Mais la Grande Faucheuse n’a aucune pitié. Elle a amputé d’un tiers ce « bon vieux petit groupe du Texas » mais elle a surtout privé le monde d’un sacré musicien, un géant du Texas boogie-blues que nous n’oublierons pas de sitôt.

QUELQUES FAITS MARQUANTS.

Joseph Michael Hill naît le 19 mai 1949 et est attiré très tôt par la musique qu’écoute sa mère (Elvis, Little Richard, divers artistes de blues).

Á l’âge de huit ans, il échange la guitare qu’il a reçue en cadeau pour Noël avec la bicyclette de son frangin Rocky (Dusty disait toujours à ce sujet : « On a fait un échange. Rocky a appris à jouer de la guitare, j’ai failli me rompre le cou ! »).

À la demande de son frère, il s’initie à la basse dès l’âge de treize ans.

L’année suivante, il quitte l’école pour jouer dans le groupe de son frangin et se lance sur le circuit des bars.

Dusty se forme à la dure avec son frère en accompagnant le grand Lightning Hopkins (une tâche difficile, le célèbre bluesman effectuant ses changements d’accords quand ça lui chante, sans respecter forcément la ligne rythmique de base).

Il joue également avec Freddie King et fait une rencontre déterminante pour son avenir en croisant le chemin du batteur Franck Beard.

Avec son pote Franck, ils intègrent le groupe American Blues et se teignent les cheveux en bleu. Le combo sort deux albums, sans grand succès.

Par l’intermédiaire de Franck Beard, Dusty fait la deuxième rencontre décisive de son existence en tapant le bœuf avec le guitariste Billy Gibbons. Il se souviendra toujours de cette première prise de contact (« On a joué un shuffle en do pendant trois quarts d’heure. C’était bon ! »).

Il achète sa première basse Fender dans une boutique de prêts sur gages (« pawnshop ») pour la somme de… soixante dix dollars. Ignorant la valeur de l’instrument, le patron se laisse convaincre par le marchandage habile de Billy Gibbons qui, moyennant une rallonge ridicule, finit par obtenir en plus le flight case d’origine. Ce jour là, Dusty a eu bien raison d’emmener avec lui son copain Billy.

La devise éternelle du bassiste texan : « Une fois que tu apprends le quatrième accord, tu es en dehors du blues ! » (« Once you learn the fourth chord, you’re out of the blues ! »).

À une époque, Dusty branche sa basse dans trois amplificateurs Marshall pour guitare, histoire de concurrencer le volume sonore de son pote Billy (qui s’est équipé le premier avec trois de ces amplis légendaires).

Il discute au bar avec le batteur Charlie Watts quand ZZ Top assure la première partie des Rolling Stones à Hawai en 1973.

Lors du fameux break que s’offre ZZ Top après le disque « Tejas », Dusty disparaît un temps au Mexique pour faire la bringue mais revient ensuite au Texas pour bosser à l’aéroport international de Dallas/Fort Worth grâce à l’un de ses amis qui y travaille. Dusty souhaitait se confronter à la vie normale (il était musicien depuis l’âge de treize ans) afin de ne pas avoir la grosse tête. Il travaillera à l’aéroport presque deux ans sans que personne ne le reconnaisse (dépourvu de chapeau de cow-boy et vêtu d’une chemise de travail avec son vrai prénom « Joe » écrit dessus, il lui était plutôt facile de rester incognito). Une ou deux fois, des gens lui ont fait remarquer qu’il ressemblait au bassiste de ZZ Top. Il s’en est sorti en répondant « Si c’était moi, pensez-vous que je serais là ? ».

En 1983, après le succès planétaire de l’album Eliminator, Dusty devient très riche comme ses deux copains. À cette époque, il a une conception bien particulière de la gestion de ses finances (selon ses propres dires « l’argent est fait pour être dépensé alors ça y va ! »).

Bien qu’il n’en ait jamais fait le compte exact, Dusty a estimé le nombre de ses basses à plus de deux cents.

Il a toujours affirmé qu’à sa mort, il n’aurait pas besoin de cercueil et que son flight case de basse lui suffirait.

En décembre 1984, Dusty subit une grave blessure. En enlevant une de ses bottes, le flingue qu’il cachait à l’intérieur tombe au sol. Le coup part et lui perfore l’abdomen. Dusty se rend à l’hôpital tout seul avec sa voiture. Ce n’est qu’une fois arrivé à destination qu’il perd connaissance. Heureusement, le Texan se remettra vite de cette mésaventure (il recevra d’ailleurs un nombre considérable de cartes de bon rétablissement).

Au début des années 90, Dusty est au comble de la joie quand il signe (avec ses deux copains) chez RCA, le label de son idole Elvis Presley.

En 2000, on lui diagnostique une hépatite (dont il finira par guérir).

En 2002, Dusty épouse l’actrice Charleen Mc Crory. Franck Beard est son témoin.

En 2004, il est admis au Rock’n’Roll Hall of Fame avec ses deux amis (le discours d’introduction est prononcé par Keith Richards).

Il apparaît avec ses copains dans le film « Retour vers le futur III », et seul dans la série western « Deadwood ». On aperçoit également son personnage dans un épisode du dessin animé « King of the hill ».

En 2014, il fait une chute dans le bus de la tournée, se déclenchant ainsi un grave problème à la hanche.

Dusty a joué sur les deux premiers shows de la tournée d’été 2021 avant de déclarer forfait pour raisons de santé (douleurs à la hanche et à l’épaule dues à une inflammation du liquide synovial). Le temps qu’il se soigne, il désigne le technicien Elwood Francis pour le remplacer en attendant qu’il revienne. Il n’est jamais revenu !

En vrai Texan, Dusty est mort dans son ranch de Houston dans la nuit du 27 au 28 juillet 2021. Il est décédé en discutant avec sa femme.

UN PERSONNAGE AUTHENTIQUE.

Encore plus que les deux autres membres de ZZ Top, Dusty Hill incarnait le Texan à l’état brut. Simple, entier et naturel, il était plus volubile que Franck Beard et beaucoup moins intellectuel que Billy Gibbons. Il était toujours partant pour faire la fiesta de l’autre côté de la frontière mais possédait également un bon sens à toute épreuve. Parfois, il pouvait aussi faire des trucs un peu dingues (comme boire de la mescaline ou rencontrer des problèmes après une cuite dans un bar mexicain). Ce devait être lui, El Loco ! Enfin, dans sa jeunesse. Car Dusty avait deux facettes. L’homme public (dont on pensait tout savoir par le biais des magazines) et le type ordinaire prénommé Joe (que presque personne ne connaissait).

En vieillissant, il s’était beaucoup calmé et restait très discret sur sa vie privée. Pratiquement personne ne savait qu’il était en couple depuis de nombreuses années avant qu’il se marie en 2002, officialisant ainsi sa longue relation avec l’actrice Charleen Mc Crory. De plus, on ne découvrira que très tardivement l’existence de sa fille Charity, née d’un premier mariage. Elle voulait se lancer dans la musique comme son père mais ce dernier l’en avait habilement dissuadée en l’emmenant dans un bar et en lui montrant ce à quoi ressemblait un musicien professionnel. La jeune fille s’était alors orientée vers une école de droit.

Dusty cultivait donc une apparence de bringueur invétéré afin de préserver son intimité. Et à part les rares personnes dans la confidence (ses potes du Top, sa famille et ses amis proches), tout le monde s’est fait berner. Sacré humour texan !

Physiquement, Dusty ressemblait à un chercheur d’or ou à un vieux cowboy du Texas et dans n’importe quelle circonstance (sur scène, à la télé, chez lui ou au bar), il restait égal à lui-même comme tout bon Texan qui se respecte.

La renommée mondiale n’avait absolument pas changé ce fils du Lone Star State.

UN MUSICIEN TALENTUEUX.

Dans tous les groupes, chaque membre devrait logiquement avoir son importance. Ce n’est pas toujours le cas mais en trio, on ne peut pas y échapper.

Chaque musicien a un rôle bien défini et doit tenir sa place.

Non seulement Dusty assurait ses parties de basse mais partageait la vedette avec son pote Billy sur scène (chorégraphie simultanée, mouvements synchronisés des manches de basse et de guitare). Il lui arrivait également de tripoter un synthé. Mais surtout, il partageait les vocaux avec Billy Gibbons (« Heard it on the X », « Beer drinkers and hellraisers », « Avalon hideaway ») et chantait aussi en solo (parmi les titres les plus connus : le hit « Tush », ses versions de « Jailhouse rock » et de « Viva Las Vegas » du King, « Francine », « Hifi mama », « Balinese », « Ten dollar man », « She loves my automobile », « Party on the patio », « I got the six », « Bad girl »).

Composer, faire le show, jouer de la basse, chanter… Dusty Hill était bien un artiste complet.

UN JEU ET UN SON DE BASSE EXEMPLAIRES.

Dusty a toujours su jouer « simple » mais pas « simpliste ». Il savait placer la note idéale au moment décisif tout en remplissant l’espace sonore (un atout indispensable en concert).

Douce et veloutée dans les blues (« Blue jean blues »), la basse de Dusty se faisait hypnotique dans les morceaux au tempo médium (« El Diablo »). Elle pouvait parfois sonner comme une guitare rythmique sur les rocks.

Même s’il utilisait rarement cet effet, Dusty savait jouer en slap (« Thug »).

Le son de basse qui le caractérisait était rond, chaud et puissant à la fois.

Dusty jouait aux doigts et sa main droite faisait penser à une araignée se baladant sur les cordes.

Le musicien barbu affectionnait un son grave et costaud ainsi qu’un jeu simple mais efficace (non dépourvu d’une certaine subtilité par moments).

On peut affirmer que le style de Dusty Hill a influencé et influencera encore un nombre considérable d’apprentis bassistes.

ADIOS AMIGO !

Dusty Hill s’en est allé et toute une époque s’est envolée avec lui. Qu’on le veuille ou non, sans lui, ce ne sera plus pareil. Il a clairement énoncé sa volonté en disant à Billy Gibbons que le spectacle devait continuer. Mais ZZ Top peut bien se produire encore en concert ou même sortir un nouveau disque (Dusty avait déjà enregistré ses parties de basse et de chant pour un futur album), ce ne sera plus jamais la même chose ni le même groupe.

On s’était toujours demandé ce qui se passerait si un des trois ZZ Boys venait à disparaître. Maintenant, on le sait. On a la bouche pleine d’amertume et le cœur débordant de tristesse.

Dusty, c’était ce vieux copain blagueur qui venait nous rendre visite avec ses potes à chaque tournée, à chaque concert.

Maintenant, c’est fini. On ne le reverra plus. Mais on ne l’oubliera pas et on continuera d’écouter sa basse lancinante, texane jusqu’au bout des mécaniques.

Après avoir traîné ses bottes dans le sable du Texas et sur toute la planète Terre, Dusty Hill est parti dans les étoiles vanter les mérites du « shuffle » en do. Il entre ainsi au Panthéon des Légendes du Rock, un statut qu’il a largement mérité.

HE WAS JUST LOOKING FOR SOME TUSH !

Olivier “El Diablo” Aubry


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